Nyiragongo est l’un de 6 territoires de la province du Nord Kivu, ayant des problèmes sécuritaires, coutumiers aussi l’éducation de la jeune fille est en perte de vitesse. Nyiragongo se trouve à l’Est de la République Démocratique du Congo. Notre reportage se focalise sur la problématique de l’éducation des filles en âge de scolarisation dans ce territoire.

Actuellement, les filles commencent à fréquenter l’école. Mais, il y a un bon nombre d’elles au niveau primaire. Cependant, sont rare celles qui finissent le niveau secondaire et obtiennent le diplôme d’Etat.

D’après nos enquêtes, plusieurs facteurs alimentent cette déscolarisation des filles dans le territoire de Nyiragongo. Il y a : les aspects culturels, le comportement décevant de certains éducateurs, la situation sécuritaire, y ajouter l’image qu’on a de la femme dans cette communauté à la suite de l’influence de certaines pratiques qui encouragent les violences sexuelles et celles basées sur le genre. Ces facteurs freinent l’évolution scolaire de la jeune fille. Elle se voit exposée à la prostitution juvénile, à l’alcoolisme, au mariage précoce, aux grossesses, pire, à l’exploitation sexuelle.

Pour nous enquérir de cette situation, ici, nous sommes dans la cour de l’institut MBULA ; une école publique sise dans ce territoire de Nyiragongo.

Dans les classes élémentaires, il est facile de constatées qu’elles sont pléthoriques. D’après le directeur de cette école, on compte en première année du secondaire 96 élèves dont 52 filles.

De l’autre côté devant moi, c’est la classe terminale. Ici c’est une autre réalité : 22 filles sur 57 inscrits. URSULA BALUME est élève finaliste :  

‘’Quand on a commencé les études secondaires on était au nombre de 65, mais aujourd’hui en sixième année nous sommes au nombre de 22. Moi je pense que ce qui fait que les autres filles abandonnent les études premièrement c’est les problèmes familiaux, soit leurs parents n’ont pas assez d’argent pour les scolariser, soit certaines filles ne comprennent pas leurs parents et les parents les abandonnent aussi comme ça. Certaines sont engrossées et trompées par des garçons, c’est pour ça que certaines ne parviennent pas à terminer les études.

Nous qui résistons ce n’est pas à dire que nous sommes différentes de celles qui ont abandonné. Je suis une fille ça peut aussi m’arriver mais si je sais ce que je cherche, j’ai un but pour mon avenir, je ne peux pas faire du n’importe quoi’’.

Les statistiques de la sous division provinciale de l’enseignement primaire, secondaire et technique, structure technique du ministère de l’enseignement, corroborent cette déscolarisation des jeunes filles ; Mr SHUKURU BABI en est le chef au niveau territorial :

‘’Le total des élèves au niveau de Nyiragongo tourne au tour de 96 000, si on calcule on va voir que nous avons 54 000 élèves filles. Si vous voyez c’est déjà au-dessus de la moyenne. La semaine-là de l’inscription, le premier mois de l’ouverture de l’année scolaire vous allez voir l’engouement des filles mais, à la fin de l’année les élèves qui ont abandonné, la majorité sont des filles. Les chiffres diminuent, le taux d’achèvement est trop faible. Au milieu beaucoup de filles abandonnent. Si on voit combien de filles ont terminé le cursus, là on arrive vraiment à 20% voire 25%, donc le taux est faible’’

Pour lui, le cycle de cette déscolarisation est maintenu par beaucoup de facteurs qui vont de la culture à la situation économique.

‘’Il y a d’abord le plan culturel, avant les parents savaient que la jeune fille doit d’abord se marier et, si elle est scolarisée c’est pour son homme. Et donc les parents n’étaient pas motivés. En dehors de ça, scientifiquement certaines filles disent ‘’non-non, voilà’’ comme j’ai déjà le certificat (de fin d’études primaires), je me limite par ici, laisse-moi chercher la vie avec le petit commerce. Mais aussi il y a certains professeurs à l’école secondaire qui favorisent la démotivation de jeunes filles. Vous savez avec l’évolution du corps (humain), les professeurs commencent à les déranger, et de là il y a certaines filles qui préfèrent abandonner. Mais aussi il y a des filles parfois qui sont embrouillées par les élèves eux-mêmes, et on essaie d’enregistrer les grosses au niveau des écoles, des violences’’

Malgré son enracinement dans la communauté, le secteur de l’éducation fourni des efforts pour inciter les filles de poursuivre leurs études.

’Nous avions émis une note circulaire, chaque chef d’établissement est suffisamment informé ; même-si une fille est grosse (enceinte), nous avions dit au chef d’établissement de laisser la jeune fille étudier bien qu’elle soit grosse. Car cela ne tienne, nous sommes obligés de punir sévèrement l’enseignant ou le chef d’établissement qui a commis ce forfait. Autre chose, nous sommes en train de dire aux chefs d’établissements, quand ils bousculent pour les frais scolaires, d’avoir des mesures atténuantes pour les jeunes filles parce que quand on chasse une jeune fille, elle a tendance de ne pas rentrer à la maison, elle va dans des maisons de tolérance.’’

N’ayant pas eu la chance de faire des études, AMIDA SHOKANO, une habitante de Nyiragongo a bénéficié de l’alphabétisation. Contente de son acquis, celle-ci nous a partagé son témoignage :

‘’Avant que je ne sache lire et écrire je vivais dans le noir, j’étais jeune fille, les garçons me faisaient la cour parce que j’étais belle mais malheureusement je ne savais ni lire, ni écrire. Des fois ils m’envoyaient des lettres que je donnais à une amie qui me facilitait. Malheureusement celle-ci me disaient quelques fois le contraire du contenu de la lettre. Maintenant quand il fallait que je réponde, cette amie faisait la même chose. Elle faisait toujours le contraire de ce que je lui disais. Quand je me rendais compte, ça me révoltait mais je n’avais pas le choix. Aujourd’hui je lis et écris, il y a une grande différence, je rédige seule mes lettres, je réponds à mes messages téléphoniques. L’alphabétisation a ouvert mes yeux, on ne peut plus me tromper, dans des réunions des mamans je sais me défendre, je lis la bible. Je ne me sens plus ridicule quand on est en groupe. À l’époque je ne valais rien, maintenant que je sais lire et écrire, je suis tellement heureuse.’’

Face à cette déscolarisation des filles qui malheureusement est perçue comme normale, la presse n’est pas téléspectatrice ; des efforts sont fournis. L’animatrice de la radio communautaire Soleil Levant, Nathalie MUBIGALO, parle de la contribution des émissions radios en faveur de la scolarisation des jeunes filles et de l’alphabétisation des filles mères de Nyiragongo :

‘’Dans mes émissions j’apprends et j’encourage les filles de continuer avec leurs études ; elles doivent continuer à vivre leur vie. Dans les sensibilisations j’apprends aux parents et je les encourage d’envoyer les enfants filles à l’école. Bien que ce n’est pas facile de faire comprendre à un papa qui se met dans la tête depuis qu’il est, il sait qu’éduquer une fille c’est perdre de l’argent, mais, moi je leur donne mon exemple, je suis une femme, je suis journaliste, je travaille et j’apporte quelque chose à la maison et mon mari aussi et, cela nous aide. Et si une femme travaille, cela lui rend indépendante et ça lui donne une valeur dans la communauté. Le défi qui reste à relever c’est aller jusqu’au fin fond et rééduquer encore les communautés qui savent qu’éduquer les femmes c’est perdre l’argent ou perdre le temps puisque la femme ou la fille va se marier un jour et faire sa famille avec son homme.’’

L’égalité des chances c’est aussi promouvoir l’éducation des filles de Nyiragongo. Malgré les efforts fournis, beaucoup reste à faire pour mettre fin à ce cycle et, peut-être la fille de Nyiragongo ne sera plus vue comme la ménagère éternelle.

Stoïcien Sky LWEMBO

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