De hauts cadres de l’AFC/M23 dont Bertrand Bisimwa et Jean-Marie Runiga étaient à l’église Philadelphie de Bukavu ce 02 Mars 2025. Au lieu que ces derniers soient portés aux anges par les autorités de cette église, ceux-ci sont répartis avec des propos sans filtre sur la perception de leur mouvement par la communauté et les exactions des premiers dans la ville.
Le pasteur responsable de cette église, qui est d’ailleurs l’une de plus grandes de la ville, n’est pas allé par le dos de la cuillère pour recarder et/ou conseiller ses hôtes. Dans sa prise de parole en swahili, le Révérend Pasteur Eugène Bujiriri Ngoma a craché son venin sur ceux qui occupent la ville, les mettant face à leurs responsabilités.

«C’est vrai ce mouvement fait tellement peur », est la première pique lancée par le Pasteur Bujiriri avec un ton ferme.
«J’étais le numéro 14 sur la première liste de gens à abattre, sur la deuxième, j’étais la 54e personne. Je me demande pour quelle raison je serais tué… je ne vole pas, je suis un serviteur de Dieu. Et donc si je meurs, j’irai au ciel… je suis heureux que vous soyez là parmi nous Bisimwa, je suis là, je n’aimerais pas que quelqu’un d’autre me tue, tue-moi toi-même… » a poursuivi cet homme de Dieu avec un regard fixé sur le Coordonnateur Adjoint de l’AFC et président du M23 visiblement surpris par la franchise du pasteur.
Celui-ci est allé jusqu’à rappeler aux visiteurs présents leurs origines :
«Mon frère, tu es congolais, notre fils d’ici, c’est nous qui t’avons vu naître… je te souhaite d’avoir cette grâce d’être congolais et que tu saches que tu l’es réellement; que tu saches que tu es parmi tes frères. »
A lui de poursuivre en rappelant aux nouveaux occupants de la ville ce que serait leur responsabilité malgré ses réserves suite à la réussite des missions qu’ils se sont assignés. «Votre arrivée ne devrait pas nous traumatiser d’autant plus que vous connaissez la parole de Dieu. Nous devons rester en paix. C’est votre travail de nous protéger, de nous nourrir et non nous flageller, nous tuer ou nous extorquer nos biens. Vous dites que ceux qui sont partis étaient mauvais, mais, quand ils étaient là personne ne volait nos biens, personne ne nous extorquait et les tueries n’existaient plus. Certes, ils avaient leurs faiblesses mais je reste septique sur le fait que vous soyez ceux qui viennent mettre fin à nos souffrances. Vous n’êtes pas les premiers. C’est la quatrième vague qui vient avec les mêmes raisons libératrices mais hélas, la situation demeure la même, aucun changement. » a insisté le serviteur de Dieu. Il est revenu sur la nécessité de privilégier les droits humains et le bien-être de la population au-delà de tout. «Je te prie de dialoguer avec tes frères, comme un fils que nous avons vu naître et grandir à l’église. La situation que nous traversons ce dernier temps, rester terrés à la maison, ne pas sortir… le vol des véhicules.
Je vous le dis comme serviteur de Dieu : voler, ravir les biens d’autrui c’est un péché, aujourd’hui certains ne dorment plus chez eux à cause des menaces et visites de chaque jour. Faites tout pour élaguer la peur dans le fief des habitants. Et pour y arriver, il vous fait d’abord éduquer vos hommes, qu’ils respectent les droits humains. Disciplinez vos hommes, vous ne pouvez jamais diriger les roches. Vous êtes là car nous sommes là ! Aimez les gens au-delà des richesses que regorge le sous-sol. Vous êtes déjà en ville de Bukavu, comportez vous en responsables. Imitez les valeurs qu’avaient vos prédécesseurs et prouvez-nous votre bonne foi! Accordez la liberté à la population. »
Face aux cas des vols, tueries et disparition de certains habitants, le Révérend Pasteur n’a pas tergiversé. Il a accusé les maîtres du lieu de complicité directe ou indirecte, et les a ainsi appelés à la réparation de ce dommage causé à la population de Bukavu. «Je ne vous maudis pas, je vous demande seulement de vous repentir. Actuellement personne ne tue les gens ici à Bukavu, c’est vous les autorités qui tuez les gens. Faites attention car si vous venez avec le sang sur vos mains ici chez-nous, vous n’aurez qu’à récolter cela. Restituez les biens ravis aux populations. Il y a certains parmi nous (nos chrétiens) qui sont portés disparu dont certains font déjà 4 jour, faites tout pour qu’ils reviennent. Restituez-nous nos gens. Libérez les voies routières et que la paix règne. » a-t-il dit.
Pour clore son propos, le Révérend Pasteur Eugène Bujiriri Ngoma a semblé ne pas être prêt à partager la Sainte-Senne avec ses hôtes en les invitant de sortir avant.
«En sortant, laissez que les autorités partent d’abord. Puis ceux qui ne participent pas à la Sainte-Senne pourront suivre. Aux chrétiens de se mettre et laisser que les autorités sortent » a conclu le Pasteur Bujiriri.
Avec cette prise de parole directe d’un serviteur de Dieu en des termes aussi crus que ceux-ci, le débat sur la suite des événements s’invite sur toutes les tables. Reste à voir si l’hôte du pasteur saura restituer cette communication à ses homologues. Et si oui, quelle en sera l’écho.
La Rédaction