Le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), sanctuaire des gorilles des plaines de l’Est et patrimoine mondial de l’UNESCO, est en proie à un abattage illégal et massif d’arbres, menaçant gravement sa biodiversité unique. Alors que le monde célébrait la Journée internationale de la Biodiversité le 22 mai, la réalité sur le terrain au Sud-Kivu est tout autre.
La biodiversité, pilier du bien-être humain, décline à un rythme sans précédent. L’UNESCO estime que les activités humaines ont significativement altéré les trois quarts des milieux terrestres et environ 66% des milieux marins. Le PNKB n’échappe pas à cette tendance, subissant de plein fouet les conséquences de la déforestation, des attaques de groupes armés et du braconnage et les riverains du parc. Depuis quatre mois, des acteurs sociaux riverains du parc dénoncent une destruction « délibérée » et « silencieuse » en plusieurs endroits du parc.
Pendant que le contexte sécuritaire reste preocupente par l’occupation de la ville de Bukavu et du quartier général du Parc, Tshivanga, par le mouvement rebelle M23. Cette situation a ouvert la voie à des pratiques illicites incontrôlées, notamment la déforestation à grande échelle pour le sciage, la carbonisation, l’exploitation minière et le braconnage. Les zones de Kasirusiru, Kalonge et d’autres parties internes du parc sont particulièrement touchées.
Yoweli Nyabirungu de l’Observatoire d’Actions Parlementaires et Gouvernementales (OBAPG-RDC), signale des activités anthropiques sur les monts Biega, notamment à Mahema et Kasirusiru. Il pointe du doigt plusieurs facteurs : des peuples autochtones qui se déclarent propriétaires du parc facilitent l’exploitation illégale, tandis que les populations riveraines, confrontées à la misère, se voient contraintes de détruire cet espace naturel pour survivre.
Le PNKB, qui abrite pourtant une biodiversité exceptionnelle, est menacé par l’exploitation illégale des ressources forestières, l’agriculture intensive, l’exploitation minière et les affrontements entre groupes armés tels que l’AFC-M23 et les jeunes d’autodéfense dits Wazalendo. Josué Aruna, président de la société civile environnementale du Sud-Kivu, déplore la transformation du parc en champs agricoles, malgré son statut de patrimoine mondial. « Nous ne pouvons pas continuer à fermer les yeux pendant que notre patrimoine naturel disparaît sous nos yeux. Il est temps de passer des discours aux actions concrètes », a-t-il déclaré.
Les conséquences de cette destruction sont multiples selon cet acteur ; la perte d’habitat pour les espèces endémiques, réduction des sources de nourriture, fragmentation des populations animales et vulnérabilité accrue face aux prédateurs et aux braconniers. De plus, cela contribue à l’émission de gaz à effet de serre et à la disparition d’espèces animales et végétales.
Pour certains habitants du Sud-Kivu et riverain du Parc interrogé par Au pic de l’info à l’occasion de la journée de la biodiversité, la situation est un dilemme déchirant. C’est par exemple Cikusinza Bahati, un résident local « Nous sommes contraints d’abattre des arbres dans le parc non pas par choix, mais par nécessité. L’absence d’électricité rend le bois coupé essentiel pour cuisiner et se chauffer. » Ce cycle de survie, bien que destructeur pour l’environnement, est une réalité quotidienne.
En décembre 2022, le monde a adopté le cadre global pour la biodiversité Kunming-Montréal, un plan ambitieux de 23 objectifs pour 2030 et 5 objectifs pour 2050, visant à inverser la perte de la nature, incluant la restauration de 20% des écosystèmes dégradés. La Journée internationale pour la diversité biologique, placée sous le thème « Harmonie avec la nature et Développement Durable », souligne le lien crucial entre la biodiversité et les Objectifs de Développement Durable. L’UNESCO, par le biais de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), appelle à un usage durable des ressources naturelles, à la restauration des écosystèmes et à l’engagement de la jeunesse pour reconstruire l’harmonie entre l’homme et la nature.
L’organisation environnementale Au pic Nature basée en Rdc, appelle le Gouvernement Congolais et d’autres organisations qui oeuvrent dans le domaine, à la mise en place de sources d’énergie renouvelable et de programmes d’assistance pour protéger l’écosystème tout en améliorant les conditions de vie des communautés locales. Selon Au pic Nature, les populations locales expriment un profond désir de préserver leur environnement, mais se retrouvent souvent piégées entre leurs besoins quotidiens et la nécessité de protéger leur patrimoine naturel. L’urgence est de trouver des solutions durables pour briser ce cycle de survie et garantir un avenir pour le PNKB et ses habitants.
MUNGUIKO THIERRY Horneyssie